1/4

21 sept. 2022

Time 11 minutes

Hommage à M. Georges Coulombe

Hommage à M. Georges Coulombe

Hommage à Georges Coulombe pour sa contribution à l’évolution du quartier historique de Montréal

La vitalité et le rayonnement de l’actuel Vieux-Montréal sont redevables à la vision et aux actions de femmes et d’hommes qui, dans la sphère privée ou publique, ont eu l’audace et l’énergie de redonner vie à un quartier longtemps en quête d’identité et d’attractivité.

Depuis 45 ans, Georges Coulombe est un chef de file de la revitalisation d’un grand nombre d’immeubles du quartier, dont plusieurs parmi les plus emblématiques de la métropole.

Défenseur et promoteur du patrimoine bâti, au cœur d’un secteur sans équivalence sur le continent, Georges Coulombe contribue à la vie d’un quartier qui connaît, comme jamais dans son histoire, un équilibre entre ses vocations commerciales, résidentielles et touristiques.

La passion du Vieux-Montréal

Georges Coulombe est de la trempe de ces discrets bâtisseurs, happé par l’énergie et la passion du prochain projet.

Peu enclin à la lumière des projecteurs, son regard est constamment tourné vers le futur. Et ses actions confirment ce dont peu peuvent se targuer : depuis quatre décennies, Georges Coulombe est l’un des plus importants piliers porteurs de l’évolution de ce quartier historique.

Aujourd’hui, l’empreinte de Gestion Georges Coulombe, entreprise composée d’une quarantaine de spécialistes, est visible sur plusieurs rues historiques du quartier. Du nombre, Notre-Dame, Saint-Jacques, McGill, Saint-Paul, Saint-Pierre, Le Moyne, Saint-Nicolas, Saint-Éloi, Saint-Vincent, de Brésoles.

En font partie les anciens sièges sociaux de la Banque Royale, de la Banque Molson et de l'Insurance Exchange (rue Saint-Jacques) et de La Sauvegarde (rue Notre-Dame Est).

La surface commerciale et résidentielle de Gestion George Coulombe surpasse ainsi les 2 millions de pieds carrés, répartis dans une quinzaine d’immeubles iconiques accueillant des travailleurs, des commerçants et des résidents de tous horizons.

L’éternelle quête de beauté

Les quelques entrevues de Georges Coulombe au fil des décennies, ainsi que l’entretien qu’il accordait en 2021 dans le cadre de la websérie Fabricant d’Émotions révèlent les contours d’une histoire peu commune.

Originaire du Saguenay, issu d’une famille nombreuse, inspiré par la vague du flower power, le jeune Georges Coulombe a un penchant pour l’art, la littérature et la poésie. Il quitte le nid familial à 15 ans, bourlingue à New York, arpente l’Europe durant trois ans, puis s’installe à Montréal.

En 1964, il fait ses débuts à l’Alcan, d’abord comme commis. Douze ans plus tard, il quitte l’entreprise à titre de directeur de la production graphique, au siège social de Montréal.

Entrepreneur dans l’âme, il cofonde alors le studio de graphisme Coulombe Latreille, en 1976. En quête d’un local, il envisage de louer dans le Vieux-Montréal, là où les loyers sont alors nettement plus abordables que ceux du centre-ville.

Le 296, rue Saint-Paul Ouest

Au journaliste Robert Bernier du magazine Parcours, il explique qu’à la fin des années 1960, le Vieux-Montréal était peu attrayant. « Je me disais qu’il était impossible qu’il ne s’y passe rien. Ce n’était pas vraiment être visionnaire. C’était évident qu’un jour ou l’autre, le Vieux-Montréal allait se développer. »

Ses recherches d’un local le mènent à la porte du 296, rue Saint-Paul Ouest. Discutant avec le propriétaire, il achète l’immeuble délabré, au coût de 28 500 dollars.

Fondation de Gestion Georges Coulombe

Cet achat sera le premier d’une impressionnante série. Il restaure l’immeuble, le loue, poursuit ses activités commerciales puis, dès 1982, acquiert un deuxième immeuble et fonde officiellement l’entreprise Gestion Georges Coulombe.

« J’ai toujours un pincement au cœur devant un vieux bâtiment. Puis vient l’envie et le défi de le restaurer, en respectant son passé, tout en l’intégrant au présent », explique-t-il en 2006 dans une entrevue au journal Vieux-Montréal.

Vingt ans plus tard, au tournant des années 2000, Le Devoir souligne déjà son apport dans un texte au titre évocateur : Les affiches à louer disparaissent dans le Vieux-Montréal.

On y fait alors état d’un taux d’inoccupation ayant « connu une chute remarquable depuis trois ans », étant passé de 32 % à 14 %. Le texte mentionne la contribution de Georges Coulombe qui à l’époque avait déjà restauré une trentaine d’immeubles.

Un contraste remarquable par rapport aux années 1970, période où, explique Georges Coulombe dans Fabricants d’émotions, « il fallait marcher sur la rue pour éviter de recevoir une fenêtre sur la tête ».

SDC Vieux-Montréal : clé de voûte pour les entreprises du quartier

En 2004, voulant donner une voix aux entrepreneurs du quartier, Georges Coulombe et quelques acteurs de milieu des affaires fondent la Société de développement économique du Vieux-Montréal, un levier essentiel pour consolider le développement du quartier à court, moyen et long terme.

Moins de 20 ans plus tard, la SDC compte plus de 2400 membres représentant près de 40 000 travailleurs, 1800 bureaux d’affaires et 600 commerces y ayant pignon sur rue.

Passerelle est-ouest

Fait moins connu, la création de la SDC Vieux-Montréal tire aussi ses origines d’une volonté, fortement teintée par l’impulsion de Georges Coulombe, de créer un trait d’union, jusqu’alors négligeable, entre les secteurs est et ouest du quartier. Jusqu’alors l’ouest était à peine considéré comme partie intégrante du Vieux-Montréal.

Dans les Échos du Vieux-Montréal, en 2004, il explique que la fondation de la SDC constitue « un bon moyen pour faire progresser le Vieux-Montréal. On est arrivé à un carrefour qui demande un effort supplémentaire pour que les choses se raffinent et qu’on devienne un quartier avec une vision internationale ». Son objectif est alors de « faire en sorte que les gens qui y travaillent, les commerçants et les résidents soient heureux et « fassent de bonnes affaires. »

Dans cette foulée, dès mars 2005, à titre de président du conseil d’administration de la SDC Vieux-Montréal, Georges Coulombe interpelle le maire dans une lettre ouverte, publiée dans La Presse.

Il y signale que le quartier, accueillant 10 millions de visiteurs, est désormais « victime de sa popularité, mais a besoin d’améliorations ». Plaidant pour une meilleure protection de « ce précieux patrimoine », il cite alors des lacunes dans « les infrastructures urbaines, les services aux citoyens et aux commerçants ».

La mobilisation d’un quartier

Directeur général de la SDC Vieux-Montréal depuis 2010, Mario Lafrance observe que « même si tout est perfectible, nul doute de l’apport fondamental de Georges Coulombe dans la mobilisation de la communauté d’affaires, un moteur absolument crucial dans la préservation et le rayonnement du caractère distinctif du Vieux-Montréal ».

Il ajoute « qu’au chapitre de la volonté de redonner au Vieux-Montréal l’identité et le caractère qu’il mérite, Georges Coulombe est sans contredit l’un de ses plus grands architectes. En fait, et c’est peut-être sa plus importante réalisation, il a contribué à bâtir la fierté de tout un quartier ».

La quête de beauté

Durant la première partie de sa vie, puis en parallèle à ses activités immobilières, Georges Coulombe explore plusieurs avenues : copropriétaire d’un café, d’une boîte à chanson, d’une galerie d’art, éditeur de musique et de livres (Éditions Champ-de-Mars), propriétaire d’un studio de son, d’un commerce d’encadrement, il touchera même au cinéma!

« Tout ce que je fais est axé vers l’atteinte de la beauté. Mais je suis conscient que je ne pourrai jamais l’atteindre », dit-il en 2021 durant le tournage de la série Fabricants d’émotions.

Des récompenses méritées

Au fil des ans, Georges Coulombe a siégé à un grand nombre de conseils d’administration et a été lauréat de plusieurs distinctions.

En 1999, le maire de Montréal, Pierre Bourque, lui remet le Prix du Mérite pour la préservation du patrimoine, décerné par la Ville de Montréal et Héritage Montréal. « C’est grâce à Georges Coulombe que nous pouvons être fiers de montrer à nos visiteurs un quartier qui ne cesse de s’embellir », dit le maire durant la cérémonie.

En 2008, la Société Immobilière Trans-Québec (SITQ), à l’époque branche de la Caisse de Dépôt, décerne à Georges Coulombe son Prix d’excellence « pour sa contribution exceptionnelle à la préservation du patrimoine architectural montréalais. »

Georges Coulombe dit alors recevoir cette récompense « avec humilité, sachant qu’elle souligne l’effort de toute une équipe qui a travaillé à la réhabilitation de nombreux édifices patrimoniaux. » Comme une promesse, il ajoute alors : « Et il en reste encore beaucoup à restaurer »!

Faire rayonner le talent et la vision

La vie de Georges Coulombe nous mène bien sûr à l’extérieur du Vieux-Montréal. Tout aussi discrètement, il s’implique activement à Saint-Jean-sur-Richelieu, ville d’adoption où il réside depuis plusieurs décennies.

Gestion Georges Coulombe a également signé des projets emblématiques dans d’autres quartiers, par exemple celui de l’American Can Company dans Hochelaga-Maisonneuve et de StoneHaven le Manoir (maintenant Relais Château), dans les Laurentides, trésor patrimonial inauguré en 2019.

Coin Saint-Denis et de Maisonneuve à Montréal, l’équipe signe l’un de ses premiers projets entièrement levés de terre, un immeuble de cinq étages abritant plusieurs bureaux, le tout intégré à l’Espace Saint-Denis.

Chose certaine, l’empreinte de Georges Coulombe dans la revitalisation d’un nombre important d’immeubles significatifs du Vieux-Montréal demeure inestimable.

Sa vision, son temps et son énergie consacrés à la fondation et à la structure de la SDC Vieux-Montréal, portés par sa volonté de tisser des liens solides entre commerçants et gens d’affaires, sont également très significatifs.

Plusieurs le confirmeront, le parcours de Georges Coulombe est aussi celui d’un gestionnaire sensible et à l’écoute des besoins et des défis des locataires. Au point d’avoir longtemps eu lui-même des commerces, en partie pour mieux comprendre et être au diapason des commerçants et des gens d’affaires, avec la volonté de viser, comme toujours dans son cas, des relations à long terme.

Dans un entretien avec Pierre Vallée, dans Le Devoir en 2004, Georges Coulombe résume peut-être les fondements de son parcours : « Un édifice doit nous donner, oui, mais pour que ça fonctionne, il faut aussi donner à l'édifice. »

Résultats? Georges Coulombe aura bâti un environnement de loyauté et d’appréciation mutuelle avec ses très nombreux locataires, un autre facteur ayant sans doute concouru à amplifier la croissance du quartier, et le succès de son entreprise.

En 1989, il confie à la journalise Suzanne Lalande du Devoir : « J’aime la rénovation. Ces vieilles bâtisses ont une âme, une vie, une histoire à raconter. Quand on y entre, on ne peut faire autrement que de les sentir vibrer. C’est un challenge extraordinaire de rénover de vieux édifices : on ne sait jamais ce qui nous attend. »

À propos du défi inhérent à la réfection patrimoniale, il confie à Valérie Legault du quotidien le Canada Français : « C’est presque un art de concilier patrimoine et modernité, parce qu’il faut sans cesse se conformer au code du bâtiment ».

À ce chapitre, dans l’arrière-scène de ce type de projets, les défis sont insoupçonnés, constants, immenses. Pour un passionné d’art, il aura admirablement développé le sien.

Déjà en 1990, à 45 ans, Georges Coulombe dit souhaiter que le Vieux-Montréal « devienne un jour la place idéale pour y installer des bureaux ». Dans ce même entretien publié dans Le projet Vieux-Montréal, on souligne que « la réussite de Georges Coulombe tient assurément à son souci des exigences posées par les occupants, à la satisfaction qu’il en retire ainsi qu’à sa grande versatilité conceptuelle et créative. »

Trois décennies plus tard, toujours actif et tourné vers « le prochain projet », puisse-t-il avoir le sentiment d’avoir accompli quelque chose de grand et de singulier.

Alors qu’au milieu des années 1970, là où plusieurs ne voyaient que des immeubles délabrés, Georges Coulombe a vu l’avenir.

Depuis, il n’a pas que préservé et valorisé le Vieux-Montréal. Il a écrit un important chapitre de son histoire.

* * *

Georges Coulombe en 12 citations

Voici 12 citations extraites du tournage de la websérie Fabricants d’émotions, initiative de la SDC Vieux-Montréal, produite en 2021.

« Pour moi, le Vieux-Montréal est un quartier complet pour vivre, travailler et se cultiver. »

« Je suis une personne simple, qui a réalisé des choses complexes. »

« J’ai voulu donner l’occasion aux locataires d’éviter la pression financière, pour grandir avec eux. »

« Les qualités viennent en faisant les choses. Plusieurs ont ces qualités, mais n’ont pas eu l’occasion. »

« Un bon leader, c’est celui qui écoute. Mais pas trop, quand même! (rire) »

« Au fond, je réalise avoir été paresseux. J’aurais pu en faire davantage, y compris en qualité. »

« Ce qui me rend le plus fier? Les personnes qui travaillent avec nous. »

« Le Vieux-Montréal, c’est mes racines, même si je n’oublie jamais être un fier membre de l’Ordre du Bleuet! (rire) »

« Je ne suis pas un visionnaire. Mais j’aurais aimé l’être. »

« J’ai toujours rêvé de faire quelque chose qui allait perdurer dans le temps. »

« On ne peut pas restaurer puis oublier. L’édifice doit vivre, avec les gens. Pas comme dans un musée. »

« Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant mon parcours. C’est le prochain projet. »


Hommage rendu par la SDC Vieux-Montréal, au nom de la collectivité d’affaires du quartier historique.