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30 juil. 2020

Time 13 minutes

Marc Cudia et Écorécréo: des bateaux à succès, des amis en affaires

Marc Cudia et Écorécréo: des bateaux à succès, des amis en affaires

“Bonjour, comment ça va?”, “Bonjour! Belle journée aujourd’hui!”. L’homme qui avance s’appelle Marc Cudia. C’est un des trois propriétaires de l’incontournable parc «Voiles en Voiles» au Vieux-Port et alors qu’il nous précède de peu sur le lieu de l’entrevue au coeur du complexe, il salue les employés, ceux à l’accueil comme les groupes qui se préparent à recevoir le public, tous ceux qui croisent son chemin ont droit au même sourire franc et une salutation. À notre tour.

Contre vent et marée, une entreprise solide

Installés sur les chaises en bois au coeur du site, on note que c’est encore calme dans le parc, mais Marc Cudia est optimiste: «De par mon parcours, disons que ce n’est pas la première épreuve à laquelle je suis confronté.» lance-t-il. «C’est toute l’industrie du tourisme qui est impactée de nos jours. Avec mes associés, Jean-Philippe Duchesneau et Nicolas Gosselin, on a eu une belle croissance ces dernières années et 2020 nous oblige à une pause forcée, mais pour nous, ça a été l’occasion de nous questionner: est-ce qu’on est toujours sur la bonne trajectoire? Est-ce qu’on est toujours pertinents? Et la réponse est oui, car même si l’achalandage est faible, on a des visiteurs, des gens qui nous ont choisis.»

Écorécréo, un joueur majeur du Vieux-Port

La compagnie que les trois entrepreneurs dirigent est un incontournable du Vieux-Port en famille. Avec SOS Labyrinthe et la tyrolienne de Samuel Cadotte, Écorécréo propose le parcours aérien Voiles en Voiles avec les bateaux géants, les structures gonflables et les jeux d’eau, mais aussi les pédalos disponibles sur le bassin Bonsecours et les immanquables quadricycles. À compagnie de taille, défi de taille, mais rien qui ne soit à l’épreuve du trio. «Être trois, c’est un véritable atout car quand une situation vient bousculer les cartes, comme on le voit en ce moment, on est ensemble et unis pour l’affronter. Et puis, être trois, ça a donné une aura plus grande à la compagnie, un rayonnement que je n’aurais pas pu lui apporter tout seul.»

Un trio de première ligne

Est-ce que c’est toujours facile? Marc explique: «On était amis avant d’être partenaires. Ensemble, on a conscience de ce que chacun peut apporter et même si le résultat obtenu n’est pas celui escompté, au bout du compte, on sait que tout le monde a vraiment fait de son mieux.» Comme dans toute association, chacun a son caractère et sa façon de faire, mais pour Marc Cudia, les compromis à faire ne sont rien en comparaison de ce qu’il a gagné. «Bien sûr, il m’arrive de devoir changer ma vision sur comment parvenir à tel ou tel objectif, car je ne suis plus tout seul, mais je sais que c’est toujours pour le bien de la compagnie et ça, c’est quelque chose qu’on a tous les trois à coeur, comme nos 300 employés saisonniers et la quinzaine d’employés réguliers.»

Transmettre, perpétuer, enrichir: l’urgence de Marc Cudia

Pour ceux qui n’ont pas vu son passage aux Dragons ou n’ont pas lu son autobiographie, Marc a eu une enfance mouvementée, ballotté de familles d’accueil en familles d’accueil et changeant souvent d’école. Mais comme il dit volontiers, il a «bien tourné». De ces temps difficiles à son issue heureuse, il est habité par l’idée de partager son parcours encourageant, notamment en tant que le président du Conseil d’administration du Service d’hébergement St-Denis «J’ai côtoyé beaucoup de jeunes aux Auberges du coeur du Québec. Je veux leur dire qu’ils ont la capacité de changer leur trajectoire. S’ils mettent tous leurs efforts, ils peuvent améliorer leur sort. Ce n’est pas facile, ce n’est pas la norme, mais c’est possible.» Faire sa part, laisser sa trace, Marc Cudia insiste, «la vie, c’est une multitude de rencontres grâce auxquelles on progresse. Il y a toujours quelqu’un qui peut être déterminant et t’aider sur ton chemin.» Et on n’a pas de mal à croire qu’il peut être cette rencontre pour bien des jeunes en manque de modèle ou d’espoir.

En affaires aussi, la tête a du coeur

«Dès qu’un projet permet d’être heureux ou n’empêche pas de l’être, «go!», si un projet va nous brimer plutôt que de nous porter, pourquoi le faire? Dans la vie, je n’ai pas toujours fait les choix les plus rentables, en revanche, j’ai toujours pris les décisions qui étaient les plus alignées avec mes valeurs de bonheur, d’implication, de dynamisme», souligne Marc. On sent que l’homme d’affaires est sur son x. Il explique encore: «par exemple, on a décidé de rembourser ceux qui ne voulaient plus venir cette saison. Après tout, tout le monde vit une situation difficile, on ne veut pas que nos clients viennent chez nous à contre-coeur. Bien sûr, au niveau du cash-flow, ce n’est pas le plus évident. Mais on est convaincu que pour le long terme, ce sera bon pour l’entreprise, car c’est bon pour le public.»

Le plus court trajet n’est pas forcément la ligne droite

«Les études te donnent une structure, une méthodologie. Je le vois avec mes associés, ils sont très organisés, pragmatiques. Moi, je suis un peu plus dans l’intuition et dans l’essai/erreur. Ils font des choses plus vites que moi, mais j’apporte ma propre énergie, on est le coeur et la raison à nous trois!» Avec l’expérience et les années d’entrepreneuriat, Marc Cudia a acquis une sagesse de businessman. «L’entrepreneuriat, c’est une bonne école, même quand on ne sait pas toujours où ça va nous mener, c’est une source d’apprentissages!» Et il fonce, Marc, il fonce et il applique son motto: «Penser big, mais y aller étapes par étapes.» Et bien sûr, parlant de grossir la compagnie, il sait de quoi il parle. «J’aurais pu n’avoir que les quadricycles et les pédalos, j’aurais eu ma petite affaire et j’aurais bien vécu. Mais je carbure aux idées. Jean-Philippe et Nicolas m’ont permis de prendre un tout autre tournant. Comme moi, eux aussi veulent laisser une trace. Notre difficulté parfois, mais notre chance surtout, c’est qu’on crée une organisation qui pourra nous survivre et qui a nos trois ADN.»

Établir un standard pour les employés

La plupart des employés saisonniers, même s’ils sont moins nombreux cette année, sont jeunes. Pour Marc Cudia, ces représentants de la marque sont en première ligne avec les clients. Outre le respect de ceux-ci et la notion de service qui lui tient à coeur, il insiste sur le rôle central que peut jouer Écorécréo pour ces jeunes. «On veut véhiculer une éthique de travail. Avant, un jeune qui sortait de certaines enseignes, comme McDo par exemple, on savait ce que ça impliquait. On aimerait que ce soit pareil ici. «Ah! tu viens de Écorécréo? Très bien!» Souvent, c’est leur ou un de leurs premiers emplois. C’est important pour nous de les préparer aussi au-delà de leur poste, comme citoyens et futurs professionnels.» En regardant de plus près son profil LinkedIn, on remarque qu’il est passé de «Président» à «Responsable du bonheur», un changement pas anodin qui le fait sourire. «Je sens que j’ai pris du galon! Auprès de nos partenaires, de nos visiteurs, de nos équipes sur le site, je suis un peu le gardien de cet ADN. Je chapeaute le tout, j’attache les ficelles, je m’assure que c’est ce que tout le monde ressente chez nous.»

Devenir une référence dans l’industrie

«Dans notre industrie, il y a le géant Merlin Entertainements. Ils ont quoi, 29 marques de parcs d’attractions dans le monde? Avec Jean-Philippe et Nicolas, on se laisse parfois porter par l’idée d’avoir un «Merlin» canadien! On a l’expertise, on est souvent sollicités pour des consultations, alors pourquoi pas?! Cette ambition n’a de titanesque que l’impression qu’elle en donne, car on sent qu’elle est à la portée de Marc et de ses associés et on mesure toute la force de ces trois hommes réunis, capables de bâtir des parcs et des concepts bien au-delà des structures et des habitudes de l’industrie.

Un service qui se distingue

Mais au-delà des structures, des scénarios, des savoir-faire, le trio a une obsession. «J’ai assisté à une conférence donnée par un propriétaire de Zipline au Costa Rica et il posait la question: qui est reconnu pour le meilleur service à Ia clientèle? On a balbutié des réponses et il a dit Gandhi et Mère Teresa parce qu’ils étaient littéralement «au service de». Les gens ont de moins en moins de temps, le monde peut être anxiogène, il faut rendre leurs instants chez nous inoubliables, notre service irréprochable.»

Ramener les familles à (bon) port

« A un moment donné, quand on avait que les pédalos et les quadricycles, on a remarqué un essoufflement de la présence des familles dans le Vieux. Ça devenait plus élitiste. Mais maintenant, COVID à part, c’est reparti! Avec nos voisins SOS Labyrinthe, la tyrolienne, et nous chez Voiles en voiles, on a pu créer un pôle famille attractif», analyse Marc Cudia. Et comme de fait, les familles avec des jeunes enfants, mais aussi des ados, ne boudent pas le plaisir de ces activités familiales qui s’adaptent à tous les âges et permettent de se bâtir des souvenirs ensemble. «On a scénarisé les parcours, on voulait être pertinents avec notre environnement et on ne pouvait pas se détacher de l’histoire du Vieux-Montréal et de son port. D’où le bateau royal. Et puis les pirates, ce monde marin, c’est aussi la nostalgie d’une autre époque. Avec nos bateaux et nos parcours, je crois qu’on a réussi le pari de ne pas dénaturer la place.»

Une histoire d’amour qui dure avec le Vieux

«J’ai connu le Vieux en 1987 la première fois. Mais je suis toujours aussi ému d’y travailler et de voir des visiteurs sur nos quadricycles à côté des bateaux. J’aurais pu être usé, mais pour moi, c’est un privilège de faire ça, souligne Marc. Les défis ont changé, les conditions d’affaires sont différentes, le site est devenu très prisé et la compétition d’autres pôles d’attraction s’est accrue. Il faut continuer de travailler fort et surtout de travailler ensemble. Pour moi, l’association Vieux-Port/Vieux-Montréal est très bienvenue; on est un écosystème interdépendant et chaque joueur est important.» D’ailleurs, Marc Cudia a ses repères dans le coin. «Nos bureaux sont au Marché Bonsecours, j’ai passé plus de temps dans le quartier que chez moi; je suis un Gens du Vieux! revendique-t-il avant de préciser qu’il a depuis toujours les mêmes adresses: Le Jardin Nelson, pour l’ambiance, la qualité du service et l’accueil, Les 2 Pierrots, une institution! Et le dépanneur du Fiacre, dont les trois propriétaires, Danielle, Joe et Paul, ont payé des tours de quadricycle à leurs enfants en échange de popsicles», confie-t-il en riant.

4 décennies de vie, 2 de business, 1 de paternité, 1 homme comblé

«Ma fille Julianne a déjà travaillé deux étés ici. Elle voulait aller à New York avec sa tante, elle a ramassé son argent. Elle a été là trois semaines, qui lui ont aussi permis de voir dans quel monde je vis et à quoi ressemble mon quotidien. Mon garçon a hâte que ce soit son tour.» Marc Cudia est aussi satisfait qu’attendri. «Dans la vie, je ne voulais pas d’enfant, ma blonde oui. On s’est séparé, puis on est revenus ensemble Et j’ai compris que ce n’est pas que je ne voulais pas d’enfant, mais plutôt que j’avais peur, je ne voulais pas qu’ils vivent le même parcours que moi. Aujourd’hui, je pense qu’ils sont plutôt choyés et je tiens à leur transmettre de bonnes valeurs. Je leur répète qu’il faut travailler fort pour obtenir ce que l’on veut vraiment.» À la tête d’un parc d’amusement, quand on lui demande ce que ses enfants pensent de sa job, il hésite et sourit «Je crois qu’ils sont fiers de leur papa!»

Plaisir et apprentissage, la clé du succès d’Écorécréo

«On est convaincu que ce qu’on peut apprendre ou enseigner ici, ça pourra servir toute sa vie au jeune. Que ce soit de se dépasser, de se découvrir une nouvelle passion, des habiletés. Moi-même, je n’ai jamais fait les parcours. J’ai une peur maladive des hauteurs.», confesse l’homme d’affaires en regardant vers les rires qui émanent du bateau royal. «Nos patrouilleurs évaluent la situation, on n’évacue pas systématiquement les gens, mais les accompagnent. Un jour, il y a une maman, émue, qui est venue me dire qu’elle avait vu son fils grandir en finissant ce parcours. Ça, c’est notre plus belle récompense. Comme papa moi-même, j’y suis d’autant plus sensible.»

Le besoin de redonner entre bonne cause et partage

«Dans le bouddhisme, on dit que si tu es heureux, tu rayonnes et les gens t’apprécient. C’est ce que je veux faire», explique Marc. Mais au-delà de ses sages paroles, c’est un trio engagé et engageant qui concrétise de beaux gestes. «Pour tous les trois, redonner à la communauté dans laquelle notre entreprise évolue est important. Nous avons, par exemple, participé à Leucan à hauteur de 398 158$ amassé depuis 4 ans, nous faisons partie de bourses de Leadership, nous sommes aussi souvent sollicités par divers organismes et quand il s’agit des enfants, c’est bien rare qu’on dise non, énumère-t-il. Seul, avec ma compagnie, je n’aurais pas pu donner autant. L’ampleur de ces dons n’est possible que grâce à notre association. Avec Nicolas et Jean-Philippe, on s’amène plus loin.» Mais il n’y a pas que le trio qui redonne et on sent une grande fierté animer Marc Cudia quand il décrit l’impact sur leurs employés. «C’est aussi très fédérateur pour nos équipes de s’associer à une bonne cause. Quand Nicolas à conceptualisé le Périple Leucan, tout le monde a aidé, même si c’était en dehors de leurs heures et que ça s’ajoutait à leurs tâches!»

Son livre, un atout dans la business

On comprend la grande sensibilité et l’intelligence bienveillante de Marc en découvrant son parcours. Consigner sa vie dans un livre au début de la quarantaine pourrait sembler ambitieux, mais ce serait mal le connaître. «Pour moi, c’est plus un fait vécu qu’une autobiographie! Après les Dragons, je suis passé à l’émission de Pénélope McQuade et l’entrevue qui devait parler de ma compagnie a viré vers mon parcours, mon enfance. Quand on m’a proposé le projet du livre, je n’étais pas convaincu, mais j’y ai vu une opportunité aussi pour prendre le temps de regarder dans le rétroviseur et peut-être inspirer au moins une personne.», avance Marc Cudia. «Mon passage à la télé, puis le livre, m’ont fait connaître un peu plus que Jean-Philippe et Nicolas, mais mon parcours est au service de notre entreprise et c’est aussi pour ça que je parle autant d’eux, rappelle celui qui ne tarit pas d’éloges sur ses deux amis. Mon parcours vend bien, c’est une belle histoire, mais ce n’est pas ce qu’achètent nos partenaires ni les visiteurs qu’on croise ici et qui, plus souvent qu’autrement, ne me connaissent pas. Ils viennent pour le parc et s’y forger des souvenirs, et c’est parfait comme ça.»