08 juin 2020

Time 8 minutes

David, le Olimpico et le Vieux: la parfaite trinité du café

David, le Olimpico et le Vieux: la parfaite trinité du café

David a retrouvé la fenêtre de son café. Le confinement l’avait forcé à fermer un temps mais il a retrouvé ses clients au coeur du quartier historique. C’est au coin des rues St-Vincent et Ste-Amable, la jolie ruelle aux fleurs rouges si populaire sur Instagram - que se niche le Olimpico. Et quand on dit « se niche » c’est avec toute la chaleur humaine et la perfection italienne que l’on peut attendre de cette institution montréalaise. C’est ici que vous trouverez David et probablement le meilleur café en ville.

David et le Vieux, indissociables et bienheureux

« Je vais te confier quelque chose. Quand on a décidé de rouvrir, j’avais un peu peur tu vois. Mais j’avais dit aux boss de pas s’inquiéter, que les clients allaient être au rendez-vous, donc évidemment, le jour de l’ouverture, c’était beaucoup de pression sur mes épaules » dit-il en baissant un peu la voix. « Mais tu sais, quand j’ai ouvert mes volets - parce que j’habite juste en face - quand j’ai ouvert et que j’ai vu la file de 10-15 personnes qui attendaient, tu ne peux pas savoir comme je me suis senti! J’étais vraiment heureux, je savais que ça allait aller parce que le monde a répondu présent! ». L’émotion est palpable dans sa voix et si David n’a pas toujours habité dans le quartier historique, on sent désormais que son coeur s’y est installé avec le café, au coeur d’une communauté qui le lui rend bien. Il a aussi pris ses habitudes et on le connaît bien dans le coin. Quand je vais quelque part, mes amis le savent, Aperol Spritz en été, vin rouge en hiver et si tu as du tartare à la carte, pas besoin de m’amener le menu! » lance David dans un rire sonore. Il s’inquiète pour ses amis justement, qui n’ont pas encore tous rouvert les restaurants et encore moins les bars. « J’espère que ça va aller pour eux. Le quartier est vraiment le fun avec eux ».

David contre la COVID

« Quand on a décidé de rouvrir, j’ai arrêté de voir ma famille et ça tu vois..., hésite David. Ça a été très dur par que je suis proche de ma famille mais ma grand-mère a 87 ans et mon père et ma belle-mère ont eu le cancer et donc ça n’aurait pas été responsable, même pour ma mère. Donc je leur parlais de l’autre bord de la rue ou de l’autre côté de la fenêtre. Mais je sentais que je devais rouvrir. C’était important pour les gens ». David ne s’inquiète pas pour lui mais il applique les mesures sanitaires et protège les siens. Comme un refus d’attentisme, ses racines italiennes, son tempérament social et joyeux l’ont ramené à une clientèle bien heureuse de le revoir. « Le premier jour ont a mis la musique super forte, c’était la fête! » s’exclame-t-il. Avec le retour du Olimpico, on sent le quartier respirer un peu à nouveau. « Ici c’est vraiment un café européen dans le sens où les gens prennent le temps, ils se rencontrent, et aussi je mets des gens en contact. Bien sûr, c’est un peu différent dans le contexte actuel mais c’est important de garder cet esprit-là. » souligne David.

La Dolce Vita, dans la tasse et dans l’échange

Dans le Vieux-Montréal, tout le monde ou presque connaît David, le barista. Et il connaît aussi très bien sa clientèle. « J’ai mes habitués, les early birds qui sont là à 07h05, ensuite il y a ceux de 8h30, avant d’aller au bureau, puis 10h, ça le break! Il y a la vague d’après lunch, puis les clients « flottants » ceux de l’après-midi qui ne travaillent pas et ont souvent plus de temps! La fin de semaine, c’est les fans de soccer et les gens qui se baladent. » Sa routine d’avant-COVID bien établie a été bouleversée bien sûr. Mais ses habitués sont là, même dans la version « à emporter» du Olimpico. Et ils sont là à l’heure. Ils défilent et à mesure qu’ils avancent, David échange avec eux, tout en préparant « leur » café. « Ça fait partie de ma job, j’aime que les gens se sentent « spéciaux ». Je me rappelle leurs prénoms, comment ils boivent leur café et les sujets de conversation qu’ils aiment. Et ça n’est pas dur pour moi, parce que j’aime vraiment ça » explique David, qui garde un œil attentif sur la fenêtre de commande tout au long de l’entrevue. Ces deux mois de fermeture ne lui ont pas fait perdre la mémoire et il accueille chacun avec le même soin. C’est bien là l’ADN de la marque Olimpico que David a su apprivoiser, mettre à sa main et celle de son quartier, « conserver et s’adapter », comme gage de succès.

David, intense comme un espresso avec un quart de sucre

Soyons clair, si David est si proche de sa clientèle, c’est sans doute parce qu’il est aussi franc que son café est irrésistible. « Ah ça! Je n’aime pas les gens qui manquent de common sense ou qui ne font pas attention aux autres. Quand je vois quelque chose, je vais le dire. Tiens, la fois où un monsieur me demande du sucre, finalement il goûte, il en veut plus et il se sert tout seul, dans mon pot de sucre et il remet la cuillère sale dedans! J’ai dit « oh! ça va pas non? Tu voudrais pas qu’on te fasse ça! Bon alors ne le fais pas aux autres! » Mais le gars ne l’a pas mal pris, il s’est excusé ensuite et tout le monde a ri.» David a mille autres anecdotes et il reconnaît que c’est sa façon d’être lui, entier. « Quand tu viens chez moi, au café, j’ai le sens de l’hospitalité, je veux que ce soit une bonne expérience pour tout le monde, parce qu’une discussion ou une petite attention, ça peut te changer le mood d’une personne ». Si vous aussi, quand David se rappelle de votre café, ça fait votre journée, alors voici comment il boit le sien : un espresso avec un quart de sucre.

David et les Gens du Vieux, peu importe où

Quand il est allé travailler à la succursale de St-Viateur qui était encore ouverte, il est resté lui-même. « Bon, je n’allais pas changer qui je suis parce qu’il y avait les patrons. Ce sont mes amis mais on n’avait jamais travaillé ensemble. Je pense qu’au début ils étaient surpris mais je suis très respectueux quand même, et je me sens à l’aise au café donc ça a bien été. On est tous des personnages au Olimpico! ». Mais de son expérience loin de son Vieux-Montréal, David s’émeut un peu en pensant, plutôt à ses clients qui l’ont suivi! La porte rue St-Vincent fermée, ils sont allés le retrouver rue St-Viateur. « Même mes early birds tu sais! Ça m’a vraiment touché. Ça veut vraiment dire quelque chose pour moi. Et maintenant, ils sont là, à nouveau, dans le Vieux-Montréal » se réjouit le barista. Aucun doute. Pas l’ombre d’une seconde. Son personnage est à la hauteur du coeur qu’il ouvre grand et du café qu’il prépare. « À Noël, les gens m’arrêtaient dans la rue pour les vœux ou passaient ici pour m’offrir un petit cadeau. Je suis tellement reconnaissant. Mes clients me donnent beaucoup, alors moi, j’essaie de redonner à cette belle communauté. »

Le Olimpico du Vieux-Montréal, une clientèle hétéroclite mais fidèle

« J’ai de la chance, je passe bien avec tout le monde, nous explique David qui rattache ses longs cheveux. Avec les 60 ans et plus, comme je suis très proche de ma grand-mère et de ma famille, j’ai l’habitude et je les aime nos aînés. J’ai eu une éducation plutôt conservatrice aussi alors on se rejoint sur plusieurs points. Pour les jeunes bon, je sais ce qu’ils aiment, j’avais leur âge il n’y a pas si longtemps. » explique David tout sourire qui précise que, du au haut de ses 39 ans, il est « au milieu » en somme. Il plaisante aussi sur les clients italiens, qui lui disent se sentir comme à la maison et le coeur gonflé d’orgueil, il se félicite de ce gage de qualité, lui qui ne s’attendaient pas à voir autant de Français et d’Italiens dans le Vieux. « Il y a aussi les professionnels, les gens d’affaires, ceux qui travaillent au palais de justice. Ils apprécient tous un moment de détente dans leur journée » souligne David content de voir que justement, la Cour rouvre bientôt. C’est la vie qui reprend peu à peu au gré des mesures gouvernementales et David est fin prêt.

Le défi remporté d’une réputation méritée

À Montréal, rares sont les cafés d’un demi-siècle qui connaissent sans faillir un succès grandissant et rejoignent plusieurs générations de clients. Le Olimpico de la rue St-Viateur fête cette année ses 50 ans, celui du Vieux-Montréal ses 4 ans, la succursale du centre-ville est plus récente. Pourtant, c’est à peine si on peut les dater tant ils font naturellement partie du paysage des meilleurs cafés de Montréal. «C’était tout un défi pour moi, nous confie David, mais je suis un gars de challenge! J’ai été barista dans la vingtaine. Mon cousin m’a tout appris, il m’a montré comment faire les cappuccinos comme il faut. Comme en Italie. Et ça, ça n’est pas tout le monde qui sait le faire. Après j’ai fait des pizzas et je suis devenu très bon, mais je m’ennuyais trop des gens. Quand le Olimpico a ouvert dans le Vieux, un de mes amis savait qu’ils cherchaient quelqu’un pour ici. J’ai rencontré la famille Vanelli et voilà, je suis là. » David embrasse son café du regard, pas peu fier et avec raison, de ce travail d’équipe et de passion qu’il accomplit avec brio.