02 oct. 2019

Time 6 minutes

Anne de Shalla, entrepreneure passionnée et pionnière de la mode dans le Vieux-Montréal

Anne de Shalla, entrepreneure passionnée et pionnière de la mode dans le Vieux-Montréal

Pour les 25 ans et la 50e édition de la Grande Braderie de Mode Québécoise au Marché Bonsecours, nous sommes allés rencontrer Anne de Shalla, instigatrice de l’événement et figure incontournable de la mode au Québec. Discussion à bâton rompu avec une créatrice et femme d’affaires qui tire son épingle du jeu et fait rayonner le Vieux.

Un plaisir pour le public, une bouffée d’oxygène pour les designers

Manne de bonnes affaires qui réjouit les acheteurs, la Braderie est aussi une belle occasion pour les designers de connecter avec leur clientèle. « La mode change tout le temps, les designers s’adaptent, soulève Anne qui rappelle que la Braderie est une belle occasion où tout le monde sort gagnant. « Certaines clientes économisent car elles savent qu’elles vont trouver ici des produits de qualité et d’ici à très bons prix. Pour les designers, c’est une façon efficace de vendre leurs produits sans passer par des délais et des gestions compliquées comme s’ils faisaient affaires avec une boutique » observe Anne de Shalla.

Aujourd’hui, même s’il y a des fidèles parmi ses designers participants, certains ferment et d’autres arrivent sur le marché, donc la Braderie profite aussi des répercussions de ces changements. « On a environ 15% de nouveaux participants à chaque édition, explique la dirigeante. Mais bien sûr, cette 50e est très spéciale pour nous! Tapis rouge et autres surprises attendent les clients! ».

Conseils 101 pour optimiser sa visite

« On propose un kit de la parfaite shoppeuse sur notre page Facebook, partage Anne de Shalla qui, avec l’expérience des nombreuses éditions précédentes, a en effet mis au point le parfait « modus operandi ». « D’abord, apporter une bouteille d’eau et un sac pour mettre vos emplettes! On conseille aussi de venir avec une tenue confortable, type legging et chaussures de course, qui soit facile à enlever et à remettre, ça c’est la clé. Une petite camisole sous son chandail, incontournable pour pouvoir essayer des hauts sans avoir à faire des files pour l’essayage, explique-t-elle, et aussi, repérer en avance des marques et designers qui pourraient nous intéresser, mais se laisser la chance d’être surpris! ».

Penser aussi à regarder les pastilles, un ingénieux système qui vous permet de repérer en un clin d’œil si la pièce est dessinée ou créée au Québec, au Canada ou ailleurs. Enfin, dernier conseil de Anne, mais pas des moindres, venir avant tout le monde. « Nous proposons une soirée VIP la veille de l’ouverture grand public . C’est le moment parfait pour magasiner de façon plus exclusive, profiter des items avant tout le monde et participer à une bonne cause en plus! »

Anne de Shalla, l’instigatrice de la Braderie

« Je me souviens la toute première, j’étais installée rue Prince, là où est la Cité du multimédia maintenant. On était un petit groupe. J’étais créatrice et agence de distribution. On a eu l’idée de faire venir nos clients, alors on a poussé nos machines et on a reçu une centaine de personnes. » se souvient Anne de Shalla, aujourd’hui à la tête d’une boutique à l’année longue au Marché Bonsecours, propriétaire de la Braderie et créatrice de mode.

« Par la suite, j’ai acquis les droits de la Braderie et j’ai repensé le tout, parce que les designers aimaient ça», explique Anne. C’est notamment elle qui a eu l’idée de rapatrier ce rendez-vous de la mode au Marché Bonsecours. « Pour moi, c’était une évidence, mais on était vraiment pionnier, il n’y avait personne ici; jusqu’en 1997, il y avait deux commerces! » explique-t-elle. Depuis, le succès confirmé a rendu la Braderie populaire et plusieurs places se sont proposées pour l’accueillir. « Jamais! s’exclame Anne. Le cadre du Vieux-Montréal est très important, ça fait partie de l’expérience. Et puis c’est une Braderie, pas un salon, pas un marché aux puces non plus. Ici, les designers sont classés selon s’ils sont manufacturiers ou plus dans le prêt-à-porter et on a pour les femmes et pour les hommes, mais il n’y a pas de stand ou de kiosque. »

Un événement sur-mesure qui fait des petits

Forte de son succès à Montréal, la Braderie a maintenant deux autres éditions, à Gatineau et à Québec. Pour Anne de Shalla, c’était une évolution qu’elle n’avait pas prévue à l’origine mais qui est venue répondre à la demande de sa clientèle. « Avec le temps, on s’est aperçu qu’on avait des clients de l’extérieur de Montréal, on s’est aussi aperçu que les publics ne sont pas les mêmes et si certains designers participent aux trois braderies, certains ont plus de succès dans l’une ou l’autre des villes où nous sommes. »

Le succès ne l’étonne qu’à moitié, car si la Braderie est une aubaine pour les clients qui paient un très bon prix, elle l’est aussi pour les designers qui écoulent facilement leurs productions. « Je n’ai jamais pensé que la Braderie deviendrait une institution, mais j’en suis très contente. Ce qui m’a surprise aussi, c’est la Braderie en ligne, qui connaît également une croissance fulgurante », explique la femme d’affaires.

Anne de Shalla, esprit créatif et sens des affaires

Comment peut-on réussir en affaires quand on est une personne plus artistique? Anne sourit à la question. « Le côté récurrent des braderies en a fait un rendez-vous attendu, les différentes éditions et villes m’ont aussi amenée à être très créative dans ce que je fais dans ce domaine-là aussi! En fait, je pense que c’est ça l’important, j’ai trouvé qu’être en affaires, ça te demande d’être créatif! J’aime beaucoup ça! ». Loin de s’être déconnectée du monde de la mode en tant que designer elle-même, Anne de Shalla a gardé une ligne de châles, de foulards et de kimonos.

Le monde de la mode peut sembler difficile à percer, mais Anne relativise. « Si ce que tu veux c’est ouvrir ta boutique, développer ta marque, c’est possible. Il faut se faire confiance et bien s’entourer. Par contre, si ton objectif c’est de conquérir le monde, ça va te prendre plus d’argent et des partenaires financiers qui ont les reins solides », s’amuse-t-elle. Pour le reste, le succès en mode a beau être multifactoriel, Anne insiste: « Un vêtement c’est une façon de s’exprimer, un code social. Il faut garder ça en tête et s’assurer que ce qu’on crée soit beau et confortable. Un vêtement, c’est une seconde peau, ça peut nous donner confiance en nous, c’est comme ça que ça devrait être pensé. »

Tricotée serrée avec son Québec adoptif

Entre la France, le Québec et même le Sénégal, où son père était ingénieur géographe à sa naissance, Anne sait très tôt qu’elle ne veut pas vivre dans l’Hexagone. Les séjours prolongés de sa famille à l’étranger et notamment l’Afrique lui ont donné un avant-goût de la liberté à laquelle, jeune femme, elle ne veut pas renoncer. « Je voulais partir au Canada ou en Australie, j’ai rencontré des Canadiens, je suis venue au Québec en vacances en 1974 et j’y suis revenue en 1975 et je m’y suis établie » raconte Anne.

La société québécoise est, selon la femme d’affaires, un terreau fertile pour s’implanter et lancer sa compagnie. « Ici, en tant que femme et en tant qu’entrepreneure, c’est un peu la Terre promise! Il y a beaucoup plus d’équité qu’en France et les gens te font confiance », analyse-t-elle. Rien n’est gagné d’avance cependant et elle aussi a dû faire sa marque. Venir de l’extérieur comporte son lot d’avantages, mais vient également avec des préjugés. Anne relativise cependant: « Le Québec a beaucoup changé et c’est pour le mieux ».